Un billet un peu particulier et exceptionnel sur le blog aujourd'hui, il est rare que je m'exprime sur le sujet directement mais c'est par la voix d'un autre que je communique aujourd'hui.

Le contexte : un groupe Facebook "Les pires mails de photographes". Il en contient des perles, tant le monde de la photographie "amateur" (bien que rien que ce terme nécessiterai de m’épancher en longues lignes insipides) est un pas-toujours-joyeux bordel. Sur ce groupe, un trublion qui signe sous le nom de Elsephir Libre m'a gentiment autorisé à réproduire ici un post qui rejoint à tel point ma façon de voir les choses en ce moment, que je n'ai plus qu'a me la fermer et à vous lacher le pavé.


Je reste dans le sujet mais j'en explore les abîmes.

En réaction aux derniers (mais sempiternels) mails de photographe « didoncpoupée-catediraipakonbaizunpeu » à l’adresse des modèles « didoncsalcon-suizuneprincessmoipaunepute », je me disais récemment qu’il pouvait être intéressant de remettre un peu d’ordre poétique à tout ce bordel de mécompréhension entre créateurs camouflés dans l’ombre et créatures habillées de lumières.

Qu’on se le dise. Le plus souvent, pour un photographe, le Modèle de base (Femela Gronichonia) est moins un plan drague qu’un plan drogue.
Et il en va des diversités des drogues comme il en va de celles des maux qui régissent les âmes en peine (is).
Pour certains photographes, les plus habitués, les plus pros et peut-être les moins passionnés, le modèle est semblable à une drogue douce. Un petit pétard qui lui fait tout, et qui lui change de sa femme qui se met en pétard pour un rien.
De temps en temps, c’est agréable, ca apaise, comme on fume une modèle en herbe. Pour le taff, pour la taff… Si t’es beuh t’es belle…. Alors tout roule et tout se joint.
Les modèles s’enchainent dans la détente paisible d’un nuage de fumée qui trône par delà les esprits, comme autant d’occasions de laisser tranquillement faire effet l’art, à grands coups de courbes, de regards, de jambes et de nuques, le petit spliff esthétique qui ouvre la voie aux beaux rêves du soir.

Pour d’autres, cependant, qui sont tombés ravis dans la femme comme on tombe dans un ravin, les modèles font plutôt figure de drogues dures.
Le Modèle de base (Femela Nonmématémoiscu) devient alors une sorte d’Héroïne.
L’âme se fait happer par la poudre. A canon. Les rails s’échouent dans les sentiers déchus. L’arrière-train wagonne vers les forêts vierges sans trop savoir où il va.
La beauté ne se respire plus, elle se sniffe ou s’injecte ; droit au sang, et alors le photographe se croit en période de grande veine : elle prend une pose, il prend une dose.
C’est qu’il lui manque l’apaisement tranquilles des mâles assez bien dans leur peau pour n’avoir pas besoin d’en dévorer en plus celle des poulettes de partout, et jusqu’à la plume, et jusqu’à l’os.
La passion et l’obsession se conjuguent en lui comme un verbe improbable et imparfait, tout fait d’évadées profondes pour la déesse-femme. Il se mêle la morsure à sa caresse, la rage à son amour et le violon à son tambour.
C’est un passionné profond, rendu sale surtout parce qu’il y aura de trop creusé en lui-même, dans la mélasse noirâtre de ses propres désirs, dans le charbon fumeux de son propre délire.

Mais les natures de désirs que je viens de citer, dures ou douces, ne disent rien en elles-mêmes des talents ni des sensibilités spécifiques. Elles ne parlent que des causes qui mènent l’homme à l’art. Elles ne parlent que sens, jamais de valeur.

Hors ce qui compte, je le pense, c’est le talent, et la sensibilité.
Tout le reste –les bonnes manières, l’absence de rustrerie, la bienséance, la morale républicaine, les coudes sur la table et tout le blablaprout- c’est du vent ; cela concerne l’éthique, pas l’esthétique ; cela concerne l’homme, pas l’art.
L’art est amoral.

Alors je viens déposer ici un cierge complice pour tous mes camarades chiens, moins lettrés que moi, auprès de toutes les pudibondes choquées (je ne vise personne en particulier, je suis un homme sans cible) pour leur rappeler que dans la religion de l’image et de l’expression, il vaut parfois mieux le païen que la paillette, et qu’il y a quelque chose de puissant et d’extrême dans l’idée du fou guidé par sa drogue dure, son amour viscéral de la femme, plutôt que par le mou de la cornée sans doute mono-testiculaire qui n’aura vu en vous qu’une occasion rêvée de rattraper ses frustrations manquées de n’avoir pas eu le droit de jouer à la Barbie lui aussi durant son enfance.
Et qu’on vous coiffe, qu’on vous maquille… ! Même plus besoin de lumières après ca tellement ca brille de partout. C’est doux, c’est neuf !
Pur, lisse et propre comme une maternelle dans sa jupette de soie, au devant des regards fiers des parents droits.

Ne crachez pas sur l’être qui bave derrière les buissons. A tout le moins sa salive sera peut-être la seule qui parviendra à exprimer de vous quelque chose de plus véritable et de plus primal.
Car c’est ce qui dérange un être dans son image, souvent, qui le reflète le mieux.
Et il m’est avis qu’il n’est pas sans quelques vaines vanités de s’aimer à travailler en tous temps uniquement avec des photographes équipés et bien éduqués, qui sauront mettre en lumière et en valeur commune votre petit minois, exactement comme il faut, exactement comme il vaut pour être à la mode.

Vous voulez savoir si une photo est bonne ? Demandez-vous simplement si elle aurait sa place dans une pub pour du gel douche ou pour du dentifrice. La plupart du temps la réponse est oui. Ca se limite à ca. C’est que la photo est à vomir.

A contrario moi je dis, avec toute la prétention du monde, que les cendres érigées sur les brulures des folies humaines seront souvent ceux qui vous permettront de créer le meilleur des savons, le seul qui vous lavera enfin de vous-même, de tout cet encombrement de devoir être soi, de devoir correspondre à son image admise, de devoir être respectable, digne, propre, épilée, belle, bim, bam, boum.

Moi je dis que la Sainte est folle et triste.
Et que la Sage véritable aura accepté l’idée, de bon cœur bon cul, que si le corps lui en dit, après tout, elle a tout a fait le droit d’être Pute un peu, sur les bords et jusqu’à dans le milieu, comme ca, rien que pour emmerder les racontars moralisateurs des petits cons pourris qui depuis toujours maugréent et conchient depuis leurs palaces oublieux.

C’est qu’ils oublient le principal. Que mourra bientôt et que toute postérité est vaine. Que toute réputation est erronée et que tous les reflets sont truqués.

Mieux vaut se découvrir soi-même à s’abandonnant, en s’abandonnant à tout en soi, le meilleur et le pire, y compris ce en soi qu’on craint éventuellement de découvrir et qu’on tente de camoufler depuis toujours aux ombrages des peupliers de l’égo, tout près des champignons, des vers et des camarades termites.